Eurovision 2025

Eurovision 2025 à Bâle : succès d’audience, ambiance festive et télévote en question – On fait le bilan !

Après une édition 2024 à Malmö marquée par un climat lourd et pesant, entre mesures de sécurité extrêmes liées à la participation d’Israël, l’annulation d’événements festifs, ou encore des polémiques comme l’élimination controversée de Joost Klein, le bon déroulé de l’édition 2025 suscitait des doutes. Beaucoup se demandaient si le concours pourrait vraiment se relever.

Pourtant, les chiffres communiqués par l’EBU parlent d’eux-mêmes : 166 millions de téléspectateurs dans 37 pays, soit 3 millions de plus qu’en 2024, avec un record d’audience chez les 15-24 ans à 60,4 % — du jamais vu ! La Suisse a elle aussi brillé avec une hausse de 57 % d’audience, tandis que sur le digital, les chiffres ont explosé les compteurs avec plus de 12 millions de vues sur YouTube, des centaines de millions sur TikTok et Instagram, et des votes venus de 146 pays. Bref, une édition qui cartonne sur tous les fronts.

Mais au-delà des chiffres impressionnants, qu’a-t-on vraiment ressenti sur place ? Nous étions à Bâle pour vivre la semaine Eurovision de l’intérieur, et autant vous le dire tout de suite : la Suisse a su relever le défi haut la main !

Bilan ESC 2025
Bilan ESC 2025

✅ Une ville à l’heure de l’Eurovision

Bâle a su accueillir l’événement… avec style et un engouement qu’on avait pas véçu depuis Liverpool en 2023 ! L’ambiance dans la ville était exceptionnelle : nombreuses animations, commerces « Eurovision Friendly », rassemblements de fans, et une météo très clémente qui a permis à tout le monde de profiter pleinement des festivités. Le « turquoise carpet » serpentant dans la ville sur un kilomètre de long, a offert un moment de ferveur populaire inédit en pleine cité rhénane. Il faut dire que l’an passé, le turquoise carpet était si décevant, avec très peu de public à cause des mesures de sécurité renforcées, qu’on ne pouvait attendre que beaucoup mieux cette année. Le pari est plus que réussi !

L’Eurovision Village et l’Euroclub, situés dans le centre de Bâle, ont aussi permis aux fans de retrouver leurs stars, assister aux retransmissions des shows et surtout, faire la fête pendant toute la semaine. Mention spéciale au tramway karaoké Eurovision (sponsorisé par Ricola), dont le site de réservation a très vite affiché complet. Une super idée pour rapprocher les fans entre eux, qui mériterait d’être renouvelée à l’avenir.

On a aussi apprécié le Helvetia Campus, qui a accueilli grace aux équipes de Wiwibloggs tout au long de la semaine, plusieurs artistes pour des interviews, des rencontres avec les fans et des séances d’autographes. Un vrai moment de partage et de générosité !

✅ Les déplacements dans la ville

Contrairement à Liverpool où toutes les animations se trouaient près des docks dans un périmètre accessible à pieds, la St Jackobson Halle n’était pas idéalement située près de l’Euroclub et de l’Eurovision Village. Aussi l’agglomération Baloise avait choisi de rendre les transports publics gratuits pour les détenteurs de billets pour les shows, facilitant ainsi les déplacements dans une ville pas toujours bon marché (l’expresso macchiato restait vendu lui, à 5 euros, ouch). Un autre très bon point pour la ville de Bâle !

🤔 Une scène Eurovision spectaculaire… mais pas pour tous

L’une des grosses déceptions cette année, la scène. Oui, elle était sublime, avec comme d’habitude un rendu télévisé impressionnant. Malheureusement, sa configuration a immmobilisé environ 1/3 de la capacité de la salle pour positionner la green room face à la scène. Ainsi, la St Jackobsonhalle était l’une des salles où le public était le moins nombreux. On parle de 6000 personnes par show. Et… oui, ça se voyait à l’écran.

La vente des billets a été « un succès » d’après les porte-paroles de l’organisation, mais peut-on vraiment utiliser ce qualificatif quand plus de 300.000 personnes pré-inscrites essayent vainement d’acheter un billet et que toutes les places sont vendues en moins de 10 minutes ? Il est permis de s’interroger. Certes un système de files d’attente avait été mis en place par la billeterie, mais celui-ci n’obéissait à vraiment aucune règle. Et quand la page affichait la disponibilité d’une place, le temps de cliquer que le billet était déjà « indisponible ». Assigner les billets de manière aléatoire aurait été plus fair-play…

Quand aux places dans l’arena, certains spectateurs placés dans les fosses latérales ont pu voir les performances des artistes performant sur l’avant-scène… de dos.

Alors certes, le show de l’Eurovision est avant tout fait pour la télévision, mais offrir à tous les fans une expérience inclusive serait de bon ton. Heureusement, peut-être conscients de l’étroitesse de la salle, Bâle a su offrir une solution de secours pour tous les recâlés du live show : l’Arena Plus. Quelle merveilleuse idée que de rassembler 35.000 spectateurs dans un stade à deux pas de l’arena, autour de 4 écrans géant le soir de la finale. L’ambiance était là, on a chanté, on a dansé, on, a vibré, et tout le monde a retenu son souffle jusqu’à la remise finale des points de l’Autriche. L’Arena Plus, une super idée que les prochaines villes organisatrices devraient poursuivre !

🤔 La politique drapeaux

La question des drapeaux reste l’un des gros points noirs cette année. Tandis que certains grands drapeaux étaient interdits, d’autres pourtant tout aussi imposants, passaient sans problème. Résultat : une gestion incohérente, source de confusion et de frustration chez les fans. Et que dire de l’interdiction des drapeaux aux couleurs des communautés LGBT+ ? Une décision incompréhensible, quand on sait à quel point cette communauté a porté, soutenu, et parfois même sauvé le concours au fil des années.

❌ Cachez cette peau et ces mots…

Les paroles de la chanson de Miriana Conte (avec Serving Kant) ont été censurées, puisque certains diffuseurs trouvaient les paroles offensantes, et Erika Vikman s’est vu demander de modifier sa tenue, jugée trop suggestive… alors même que plusieurs artistes masculins sont montés sur scène torse nu, sans que cela ne suscite la moindre remarque. Deux poids, deux mesures ? On ne comprend pas très bien les critères appliqués, ou peut-être fallait-il simplement alimenter un peu le drama, là où il n’y en avait pas vraiment…

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✅ L’annonce des demi-finalistes

Nous n’étions pas franchement en faveur d’un changement de la manière dont les demi-finalistes étaient annoncés. Le système actuel, qui consistait à énumérer chaque pays retenu jusqu’au dernier, nous semblait suffisant. Or, il est vrai que l’on se privait des réactions des candidats retenus, le temps que la caméra se rende devant le finaliste, l’émotion intiale n’était plus là.

Cette année, la production avait choisi un système de split-screen à trois pays pour être certain de cueillir la réaction du sélectionné « à chaud ». Même si ce système a d’abord déconcerté, il s’est révélé en réalité plutôt lisible et dynamique à l’écran, avec à chaque fois une capture immédiate des réactions des candidats qualifiés.

Comme chaque année il y a également beaucoup de rumeurs autour de la remise des points des jurys et du télévote pour la finale, certains pays souhaitant réduire la durée du show, fort heureusement personne n’a encore eu (la malheureuse et folle idée) de raccourcir cette séquence qui fait l’âme du concours.

✅ Moins de stress, plus de surprise : la nouvelle politique des répétitions

Parmi les autres nouveautés qu’on trouve être parmi les idée bienvenues cette année, la décision de maintenir les premières répétitions des artistes à huis clos, avec des extraits photo et vidéo publiés par l’EBU. Bien que décevante au premier abord pour les fans (ou certains fans media, on ne sait pas bien), cette mesure, qui s’inscrit dans une série d’améliorations mises en place par l’EBU, a permis aux artistes de travailler dans un cadre serein avec moins de stress pour les artistes.

Globalement une évolution plutôt bienvenue, surtout après les tensions de l’année précédente à Malmö. De notre côté, en tant que fans, on a apprécié de découvrir la surprise de chaque mise en scène pendant le show, sans avoir été spoilés à l’avance. Peut-être qu’il faudra à l’avenir trouver le bon équilibre entre liberté de la presse, liberté des media fans et bien-être des artistes, mais on pense que cela va tout de même dans le bon sens. Un point point à l’EBU pour ça.

💔 La 7ème place de la France

Alors oui, la France a déçu. Deux jours avant la finale a commencé à monter une petite musique dans les salles de presse, la France serait sur le podium ? Hélas,notre Louane termine en 7ème place. Mais si l’on prend un peu de recul, la France est maintenant régulièrement abonnée à la première moitié du premier tableau. Et ça, on ne peut que s’en féliciter !

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Evolution du classement Eurovision de la France depuis 1956

La délégation française choisit depuis quelques années des participants « safe », mais qui envoient au public Eurovision ce qu’ils attendent de la France, à coups de ballades remplies d’émotion, de Tour Eillel ou de chanteurs généreux. Une chose est sûre, l’Eurovision attire maintenant des artistes de premier plan. La réputation de l’Eurovision en France connaît une évolution notable : le concours commence à être pris au sérieux, non seulement par les journalistes généralistes, mais aussi par les artistes eux-mêmes et leurs maisons de disques. Aujourd’hui, les majors de l’industrie musicale s’y intéressent activement.

Maintenant que l’on a conquis le TOP 10, que faut-il pour gagner ? Continuer à miser sur des stars déjà installées ? Innover et prendre des risques ? Travailler avec des artistes révélés par des télé-crochets tels que The Voice ? On pourra en discuter pendant l’inter-saison !

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❌ Le plantage complet des bookmakers

Dans la série des plantages de l’Eurovision 2025, les bookmakers sont en tête. Alors qu’ils annonçaient une victoire nette et écrasante de KAJ, Israël à 1% et la France en troisième position, c’est un tout autre scénario qui s’est dessiné avec KAJ relégué en 4ème position, Tommy Cash en 3ème et JJ en grand vainqueur.

Et surtout, ils n’avaient pas vu venir la seconde place d’Israël (qui l’aurait vu ?).

Les pronostics des bookmakers restent un bel outil de communication et d’influence. Suivez notre conseil : utilisez les pronostics pour briller en société, à la machine à café avec vos collègues, mais ne dépensez pas votre argent dans des paris 🙂

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Pronostics à 12H de la finale Eurovision 2025

😡 Télévote : une réforme immédiate ou la dérive assurée

C’est sans nul doute la plus grosse surprise de la soirée de la finale. L’arrivée en seconde place de la candidate Israélienne grace à un télévote étonnament élevé et cela pose question.

D’abord parce que la chanson était objectivement plus faible que l’an passé. Parce que cette chanson est celle qui a cumulé le moins d’écoutes sur les plates-formes parmi tous les candidats. Et parce que la candidate n’a pas fait campagne. Absente des pré-parties. Absente des points presse. Absente des rencontres fans pour cause de sécurité.

Alors, on tient d’abord à dire qu’on est totalement en accord avec la lettre ouverte envoyée par Martin Green, directeur exécutif de l’Eurovision, après le concours, dans laquelle il affirme qu’il n’y a pas eu de fraude lors du télévote.., et il a raison : tous les votes sont réels, et personne ne remet en question leur authenticité.

C’est justement là le cœur du problème. Ce n’est pas de la triche, mais une manipulation d’influence rendue trop facile. Aujourd’hui, 20 votes maximum sont autorisés par carte de paiement. Alors, voter 60 ou 80 fois, voire plus, sans enfreindre aucune règle. C’est autorisé… est-ce pour autant fair-play ?

Ce que l’on observe, c’est l’utilisation croissante de ce concours, pourtant conçu comme une célébration de la diversité et de la musique, comme une vitrine. Le concours devient pour certains une opportunité de redorer une image internationale… qui masque une réalité bien plus sombre. Et cela interroge.

L’Eurovision mérite mieux que d’être récupérée comme outil de communication par des puissances ou des groupes cherchant à lisser leur image. Le public aussi mérite un concours sincère, où la musique, le talent et la créativité priment réellement sur les campagnes de manipulation.

🔧 Quelles pistes concrètes pour réformer le télévote ?

Il nous semble urgent de réformer le télévote, ou il finira par enterrer la crédibilité de l’Eurovision.
À force de laisser la mécanique du vote être dictée par les plus organisés ou les mieux financés, on s’éloigne de l’esprit initial du concours. On propose quelques pistes de réflexion.

1. Réduire à 5 le nombre de votes autorisés par carte bancaire ou numéro de téléphone, contre 20 actuellement. Cette limite rendra les campagnes de vote de masse plus coûteuses et plus difficiles à coordonner et rétablira une forme d’équité entre les téléspectateurs ordinaires et les groupes organisés.

2. Passer du vote « multiple » à un classement ordonné. Au lieu d’autoriser jusqu’à 20 votes indépendants, chaque téléspectateur pourrait soumettre un classement de ses 5 ou 10 chansons préférées. Ce système reflèterait mieux les préférences globales, pas seulement le « coup de cœur » isolé et limiterait la possibilité de gonfler artificiellement un seul candidat par des votes répétitifs.

3. Réintroduire les jurys professionnels en demi-finales, supprimés en 2023, et ajuster la pondération des votes en finale (par exemple, 60 % public / 40 % jury ou inversement). Ce retour garantirait que des chansons de qualité vocale ou artistique, moins formatées pour le télévote, puissent accéder à la finale. Cela rééquilibrerait le concours entre émotion populaire et exigence musicale. Certes, cela peut heurter une certaine idée de la démocratie participative, mais l’Eurovision n’est pas une simple élection : c’est aussi un spectacle artistique. Et à vrai dire, il y aura toujours des gagnants et des perdants.

4. Rendre plus strict l’accès au télévote « reste du monde » en limitant le vote à une seule identité vérifiée. L’idée n’est pas d’exclure le public international, mais d’empêcher les campagnes de votes coordonnées à grande échelle. Oui, cela réduit la portée mondiale du concours à court terme, mais c’est un prix raisonnable à payer pour préserver l’intégrité d’un vote sincère et représentatif des valeurs du concours.

5. Prendre en compte les écoutes en streaming dans le calcul des résultats, en intégrant une part pondérée des chiffres de streaming dans le score final (par exemple 10 à 15%), en complément des votes du public et des jury. Cela permettrait de mieux refléter les goûts du public au-delà de ceux qui font l’effort de voter, mais aussi de valoriser les chansons qui rencontrent un véritable succès d’écoute, souvent signe d’un impact durable.

Il faudrait aussi re-réfléchir à l’équilibre entre jurys et public, y compris en demi-finale. L’an passé, les jurys en demi-finales ont été supprimés pour contrer ce qui s’était produit en 2023 en finale, avec un candidat porté par le Jury et un candidat par le Public. Désormais les chansons envoyées à l’Eurovision sont moins vocales, calibrées pour passer les demi-finales avec un télévote facile. Revers de la médaille, en finale le télévote est dilué entre beaucoup plus de candidats et aucun gagnant clair ne ressort.

En conclusion…

L’Eurovision 2025 à Bâle a prouvé que le concours reste en forme, qu’il continue de rassembler et d’innover malgré un contexte compliqué. Mais ce succès ne doit pas masquer une réalité préoccupante : la mécanique du télévote est aujourd’hui trop facilement manipulable, ce qui met en péril le sérieux du concours. Si l’on veut préserver l’Eurovision comme un événement musical sincère, représentatif et équitable, une réforme du télévote est devenue indispensable.

Reste à savoir si l’EBU saura entendre ce que disent — ou ne disent plus — les votes. Car si l’on continue à privilégier les plus influents plutôt que les plus inspirés, c’est l’âme même de l’Eurovision qui pourrait s’effacer.

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