Il y a quelques mois, nous avions dressé le bilan de l’Eurovision 2025 à Bâle et de toutes les polémiques qui l’ont émaillé, en particulier autour de certaines règles qui ne semblent plus être adaptées au monde de 2025. Comment l’Eurovision 2026 allait pouvoir être sauvé ?
Après plusieurs mois de travail et de consultations, l’EBU, à travers la voix de Martin Green, Directeur du Concours Eurovision, écrit une lettre à toute la communauté Eurovision où il présente les actions entreprises pour restaurer la confiance et que le Concours reste un endroit de célébration de la musique.
L’Eurovision revoit profondément son système de télévote
L’EBU a ainsi confirmé une révision en profondeur du système de vote : la limite maximale de votes par moyen de paiement sera réduite de 20 à 10. Ce rééquilibrage du système de vote s’accompagne d’un retour des jurys sur les demi-finales.
Retirés en 2024, ils y feront leur retour afin de rétablir une pondération plus stable entre appréciation professionnelle et vote du public. Mais leur composition, leurs obligations et leur fonctionnement évoluent de manière significative.
Des jurys remaniés pour une meilleure diversité artistique
Dès 2026, les jurys seront composés de 7 membres (contre 5 auparavant), tous issus d’un éventail élargi de métiers : journalistes spécialisés, enseignants en musique, professionnels de la scène, chorégraphes ou figures établies de l’industrie. De plus, deux de ces membres devront être âgés de 18 à 25 ans, une manière pour l’EBU d’intégrer davantage la sensibilité des jeunes publics qui constituent aujourd’hui l’un des moteurs du Concours.
L’objectif affiché est clair : éviter un concours dominé uniquement par la logique de blocs, de controverses nationales ou de campagnes de mobilisation disproportionnées, et garantir l’accès à la finale à des propositions artistiquement fortes plutôt que des entrées plus faciles.
Chaque juré devra également signer une déclaration d’impartialité, s’engageant à voter en toute indépendance et à ne pas exprimer publiquement ses préférences avant la fin du concours. C’est l’une des réponses apportées par l’EBU aux interrogations récurrentes sur la neutralité et la responsabilité des jurys, particulièrement mises en avant après l’édition 2025.
Les règles de promotion davantage encadrées
Autre chantier majeur : la régulation des campagnes de promotion. Ces dernières années, plusieurs diffuseurs et de nombreux fans ont dénoncé l’influence grandissante de campagnes externes, parfois coordonnées par des acteurs institutionnels ou des gouvernements, capables d’orienter artificiellement le vote du public.
Désormais, ni les diffuseurs, ni les artistes ne pourront participer, directement ou indirectement, à des campagnes pilotées par des tiers, notamment des gouvernements ou des agences publiques. Si la promotion classique menée par les équipes artistiques reste légitime, toute tentative d’influencer indûment le résultat fera l’objet d’un signalement et pourra être sanctionnée.
L’objectif est d’éviter que le concours ne devienne un terrain d’expression politique déguisé, où certains candidats bénéficieraient d’une visibilité boostée par des moyens démesurés. L’EBU insiste : l’Eurovision doit être portée par les artistes, leurs chansons et leur créativité, pas par des stratégies d’influence extérieures.
Un renforcement technique contre les votes coordonnés
En parallèle, l’EBU annonce un renforcement significatif des systèmes de contrôle du vote. En collaboration avec son partenaire Once, elle déploiera des outils de détection avancés capables d’identifier plus rapidement les comportements suspects, les schémas automatisés et les votes massifs coordonnés entre plusieurs pays ou communautés en ligne.
Cette surveillance accrue vise à garantir que le télévote reste l’expression authentique du public, et non un levier exploitable par des réseaux organisés. Pour l’EBU, la confiance dans le vote du public reste un pilier essentiel du concours, mais elle doit s’accompagner de garde-fous adaptés aux dérives observées ces dernières années.
Est-ce que cela sera suffisant ?
En septembre dernier, nous avions esquissé plusieurs axes d’amélioration que l’EBU devrait suivre pour restaurer la confiance après deux années marquées par un laisser-aller structurel. A l’aube du 70ème anniversaire du concours, l’enjeu est clair : tourner la page des polémiques récentes et aborder la nouvelle décennie sereinement.
Une chose est sûre – on peut saluer l’effort. La disparition des jurys en 2024 n’avait jamais répondu à un problème majeur. Au contraire, elle modifiait un équilibre qui fonctionnait plutôt correctement. Et puis, c’est aussi ce qu’on cherche à l’Eurovision, le « bon » suspense aux alentours de 1H du matin, un gagnant, un second.
Leur retour aux demi-finales est le bienvenu, on se prémunit des « joke entries » qui aurait pu devenir une recette gagnante de l’accès en finale. Tout dépend maintenant de la capacité des diffuseurs constituer des jurys véritablement diversifiés sur le plan artistique, démographique et professionnel.
Sur les télévotes, la réduction du nombre maximal de votes par moyen de paiement va dans le bon sens, mais elle ne règle pas entièrement la question de l’authenticité du vote : une carte bancaire ou un SMS ne prouvent pas l’identité d’un votant. Renforcer la détection de fraude ou de campagnes suspectes est donc indispensable pour garantir que le vote du public reflète réellement les préférences des spectateurs. Cette mesure, combinée à une surveillance technique accrue et à l’analyse des schémas de vote, constitue un ensemble de garde-fous nécessaires face aux enjeux géopolitiques et aux mobilisations coordonnées qui ont marqué les dernières éditions.
Ainsi, ces mesures constituent un premier pas encourageant pour rétablir la confiance dans le concours. Il faudra surveiller attentivement leur mise en œuvre, analyser les résultats de l’édition 2026 et réévaluer régulièrement les mécanismes en place pour s’assurer que l’Eurovision reste un concours équitable, transparent et fidèle à sa vocation artistique.
Après cette annonce, des diffuseurs auraient indiqué que, quelles que soient les nouvelles règles, certaines préoccupations politiques ou géopolitiques ne seraient pas résolues. La question de la participation de certains pays reste donc un point sensible à surveiller pour l’édition 2026.
